« Story a day » : 1er mai 2015

Destination

rails qui filent vers l'horizonLe train prenait de plus en plus de vitesse. La gare s’éloignait, les montagnes tant aimées s’éloignaient, les signes de la main du couple sur le quai s’éloignaient. Ses bagages à ses pieds, tenant son sac à main sur ses genoux, la jeune fille regardait son passé rapetisser.
Une larme coula. Amère et douce à la fois.
Ce qui l’attendait, c’était une nouvelle vie. Des études passionnantes. Peut-être de nouveaux amis.
Ce qui l’attendait, c’était l’indépendance et cela lui faisait peur. Elle n’avait jamais quitté le cocon familial.
Ce qui l’attendait, c’était la découverte d’une nouvelle ville, de nouveaux paysages, d’un nouvel environnement.
Ce qui l’attendait, elle n’en savait rien, en fait…
– Ticket, s’il vous plaît, Mademoiselle !
Elle sursauta. Le sourire que lui rendit le contrôleur en lui rendant son ticket la rassura un peu.

À la gare suivante, un jeune couple s’installa en face d’elle. Regard complice. Murmures à l’oreille. Sourire. Rires.
Le cœur de la jeune fille se sentit plus léger. Les minutes défilaient comme le paysage. Le couple se mit à lire, l’un son Kindle, l’autre son magazine.
– On est arrivé, chéri !
– Déjà ?
Ils se précipitèrent pour descendre du train, en se bousculant et en riant.

Une maman et son enfant prirent leur place. Un petit garçon qui faisait des grimaces à la jeune fille. Elle ne put s’empêcher de pouffer.
– Allons, Gustave, reste tranquille, s’il te plaît !
La maman ouvrit son sac et en sortit un livre. Les yeux de Gustave s’agrandirent.
– Super ! Le dernier tome de la série des ninjas de l’espace ! Trop cool, maman !
Le voyage continua, au rythme de la lecture murmurée de la maman à son fils. Bien calé au creux de son bras, celui-ci regardait le mouvement des lèvres de sa mère. Moment précieux et plein de tendresse.
– Regarde, papy et mamie nous attendent !
Ils sortirent de la cabine, mais avant de partir Gustave ne put s’empêcher de tirer une dernière fois la langue à la jeune fille. Elle lui répondit d’un clin d’œil.

La personne suivante était une femme d’affaire. À peine arrivée, elle ouvrit son ordinateur portable. Son Smartphone n’arrêtait pas de sonner et elle s’éclipsait dans le couloir pour répondre. Mais la jeune fille pouvait tout de même l’entendre.
– Les délais, bien sûr que nous les tiendrons ! Cet incident ne nous ralentit pas du tout !
Elle se rasseyait en lançant un sourire forcé à la jeune fille et se plongeait de nouveau sur l’écran de son ordinateur.
Lorsque le contrôleur passa, la jeune fille vit dans le portefeuille de la femme la photo d’une famille. Deux enfants presque adultes, un papa grisonnant. Quatre éclats de rire à Time Squares.
La femme regarda sa montre, rangea son ordinateur portable et ses affaires et attendit l’arrêt complet du train pour descendre.

La jeune fille se précipita pour aider la vieille dame qui se débattait avec la porte automatique.
– Merci ! Râââ, je déteste ces portes ! On dirait que je suis invisible pour elles !
Pendant le voyage, la vieille dame lui raconta qu’elle allait voir son petit-fils. Qu’elle lui avait apporté un cadeau. Non, pas un de ces jouets débiles en plastique ou un de ces jeux vidéos qui vous grillaient le cerveau ! Non, un livre un vrai ! Les contes de son enfance, les fables de La Fontaine. Elle se faisait une joie à l’idée de les lui lire. Elle lui raconta encore son enfance, loin des téléviseurs, loin des « Ipad-machin-bidules » et autres « trucs que vous vous plantiez dans les oreilles ». Elle lui parla de sa balançoire, des courses d’escargot et des pétards dans les boîtes aux lettres.
Elles rirent ensemble.

L’arrêt de la jeune fille était arrivé. Elle prit congé de la vieille dame. Elle descendit les marches de la voiture.
Une vie l’attendait… sa vie.


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