« Story a day » : 18 mai 2015

L’attente

Fenêtre, rideau et chaiseElle avait décidé de l’attendre sur le perron.
Le vent faisait craquer les arbres près de la maison.
Les enfants étaient chez la nounou.
Elle avait mis sa belle robe à fleur. Celle qu’il préférait.
Elle était fébrile.
Serait-il le même ? Allait-il l’aimer encore ?
Il travaillait sur une plate-forme pétrolière. Il rentrait enfin aujourd’hui pour quelques semaines. Elle aimait et craignait ses retours.
Les premiers jours étaient les meilleurs. Moments précieux de redécouverte. Elle avait l’impression d’avoir à le séduire pour la première fois.
Et puis la routine s’installait. Il devenait doucement plus ronchon. Les enfants l’énervaient. Il perdait patience. Elle appelait ça « l’appel ». Il tournait en rond dans cette maison. Il n’était pas fait pour ça.
Elle ne baissait pour autant pas les bras : elle redoublait d’idées pour éloigner les enfants et pour l’emmener plus près de la mer.
La famille n’avait pas vraiment d’amis sur lesquels il pouvait compter pour lui changer les idées. Alors elle faisait des sorties avec lui. Ces soirs-là finissaient souvent par des reproches sur le fait qu’elle dépensait l’argent sans compter.

L’attente devenait de plus en plus insoutenable. Il allait arriver d’une minute à l’autre.

Malgré tous ses reproches, elle l’aimait. Enfin… elle pensait qu’elle l’aimait. Le coup en plein ventre portée la dernière fois l’avait refroidi. Elle n’en avait parlé à personne. Surtout pas aux enfants. Ni à ses parents. Il ne s’était pas excusé.
Elle sentait qu’elle était aujourd’hui plus tendue que les autres fois. Pourquoi cherchait-il à chaque retour à ruiner leur relation qu’elle mettait autant de ferveur à renouer ? Elle voulait d’un père pour ses enfants. Elle voulait d’un mari pour elle. C’était l’ordre des choses et elle y tenait. Son équilibre.
Elle vit enfin un point noir sur la route. Son cœur se serra. Son ventre lui fit soudain mal. Elle serra ses bras autour d’elle-même. Elle se releva et attendit. Les secondes semblaient interminables. Le taxi s’approchait. Elle se rendait compte qu’elle n’éprouvait plus ce même plaisir. L’enthousiasme de le revoir était gâché par la peur. Le taxi s’arrêta. Elle l’imaginait en train de fouiller dans son porte-feuille pour le payer. La porte s’ouvrit enfin.
Mais ce ne fut pas lui qui sortit. Un homme en costume et au regard triste s’avança vers elle.
– Mme Oackland ?
Elle sut. Elle sut que c’était terminé. Et elle était soulagée.


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